1er
jeu : à la façon de Proust.
Chacun choisi son « véhicule à souvenir »
et l’associe à l’un des 5 sens.
Les
sens et les souvenirs sont échangés… la phrase reçue devenant l’incipit avec,
juste en-dessous, une courte phrase de Proust.
On
écrit en plaçant dans le texte une expression tirée au hasard et en lien avec
le sens ET des mots, les mêmes pour tous, à placer au fur et à mesure de l’écriture.
Je sens
le désert.
Et tout
d’un coup le souvenir m’est apparu. Une
étendue de sable se déployait devant moi.
J’étais hissée sur un dromadaire au nez creux. Ses narines étaient aussi vastes que des bols
à soupe comme on en utilise en Amérique.
C’était lors de vacances en Tunisie, il y a à peu près 40 ans. J’avais 20 ans à l’époque et à Noël nous
avions décidé avec quelques amis de faire un voyage. A l’époque nous étions assez dynamiques pour
affronter le désert. Il ne fallait pas
attendre que ce soit trop tard. Donc,
cette année-là, nous prîmes l’avion direction l’Afrique du Nord. Quand, à l’horizon, se profilèrent les
palmiers et que le bleu de la Méditerranée se transforma en bleu des volets
tunisiens, nous savions que nous étions arrivés à destination. Oh surprise ! En descendant de l’avion, il pleuvait et nous
n’avions pas prévu de vêtements de pluie.
Heureusement, le cousin d’un d’entre nous nous attendait avec quelques
parapluies. Nous arrivâmes à son
domicile dans la ville de Tunis où nous restâmes quelques jours. Ce soir-là, après le diner, le cousin nous
emmena au cinéma. Il s’était mis sur son
31, une chemise couleur lilas sur un pantalon bleu marine et une cravate orange
fluo. Pas moyen de se perdre dans le
dédale de ruelles avec un tel guide !
Anne
Je vois
un bosquet de lentisques térébinthes.
Et tout
d’un coup le souvenir m’est apparu. Les
odeurs chaudes du maquis, elles étaient enivrantes, un peu comme quand j’ai
découvert, dans mon unique voyage, la Statue de la Liberté, lors de vacances de
Noël en Amérique. Tout était si sensible
et je voyais la vie en rose, ancrage positif, éternel. Ce qui est important c’est que le souvenir
nous ramène à l’instant présent, auquel cas, rien n’est jamais trop tard et
l’horizon est toujours lumineux, même s’il pleut. Cela a donné lieu à une grande discussion
entre cousins, l’un d’eux était terriblement déprimé, impossible pour lui de se
transporter dans un souvenir agréable.
J’ai fini par l’inviter à une séance de cinéma, plutôt drôle, histoire
de faire exploser les barrières de préoccupations sinistres. Mais rien n’a eu d’impacts, même pas le
merveilleux printemps que nous vivions, embaumés par les bosquets de lilas en
fleur. Je me suis dit que j’avais de la
chance d’avoir un jour découvert dans mes souvenirs une richesse d’ancrages
positifs, insoupçonnés.
Annie
Je touche
la poignée de la porte.
Et tout
d’un coup le souvenir m’est apparu, malgré les cicatrices et les ampoules qui
m’ont laissé avec la peau dure sur les paumes.
Je vole dans l’air, j’ai peur, je tombe vers les prairies vides et
plates de l’Amérique, depuis le feu, depuis que l’arbre de Noël a tout réduit
en cendres. C’est simple, je flotte où
je veux, là où l’envie me prend. C’est
jamais trop tard pour laisser le vent m’emporter, pour planer dans les rues,
pour survoler les montagnes pesantes et saines qui protègent mon horizon, mon
horizon proche mais aussi mon horizon lointain.
Celui de mes rêves et de mes cauchemars.
Au-delà de ces paysages, je le sais, je le sens, il pleut. Tout ruisselle : les arbres, les
buissons, les rochers, les pierres et les cailloux qui, comme de bons cousins
bien élevés, se dressent autour de la rivière.
Sans bruit, silencieusement, comme dans ces films du cinéma ancien où
tout bouge trop vite, où tout remue avec une frénésie inquiétante et
troublante, le vent passe entre les gouttes de pluie, faisant une valse couleur
de lilas blancs.
Candy
Je sens
la bêche de mon père.
Et tout
d’un coup le souvenir m’est apparu, tout plein d’images, les mottes de terre
brillantes et les vers de terre, non pas ceux que l’on pouvait tirer du
nez. En Amérique, à cette époque, on
travaillait avec des tracteurs et on ne pouvait pas sentir l’odeur de la glèbe,
sauf si c’était en transplantant un petit sapin de Noël dans un grand pot de
terre. Maintenant, même ici sur le
Plateau de Sault, c’est trop tard pour sentir l’odeur de la terre retournée
puisque la machinisation nous a envahis.
On ne sent plus que l’odeur des fumées sortant des pots d’échappement,
parfois si denses qu’elles nous bouchent l’horizon. Alors, on n’a plus qu’à rêver d’avant. Maintenant, quand il pleut et que les
machines ne peuvent pas entrer dans les champs, on peut regarder le ciel
toujours différent si le vent souffle fort.
Je regrette aussi ces jours-là de ne pas pouvoir retrouver mes cousins
pour faire des cabanes dans les chambres comme nous le faisions dans
l’appartement de la ville où ils habitaient.
Tout près de chez eux il y avait un cinéma où nous sommes allés voir
Blanche Neige. Pour moi, c’était la
première fois que je rentrais dans une salle de cinéma. J’aimais aussi les grandes journées de fête
où nous nous retrouvions et construisions des cabanes sous les lilas. Les parents n’étaient pas toujours contents,
craignant que nous n’ayons pas de floraison au printemps, mais pour nous le
printemps était loin. C’est vrai que le
lilas permettait de fleurir l’autel de l’église au mois de mai, « mois de
Marie ».
Colette
Je vois
la ville de Loches.
Et tout
d’un coup le souvenir m’est apparu, de ce grand homme venu d’Amérique. Il avait débarqué comme ça, un matin, de son
yacht remontant la rivière. C’était
quelques jours avant Noël. A cette
époque, une joyeuse pagaille régnait en ville et il n’avait pas mis beaucoup de
temps pour s’imposer. Maintenant, c’est
trop tard pour pleurer, pour se lamenter sur notre passé. On lui a laissé prendre le pouvoir et il l’a
pris. Il faut dire que son physique
enrobé, sa mèche blonde, un je ne sais quoi d’exotique avait rassuré les
gens. Son image leur sortait
littéralement par les yeux. Tous les
horizons, réels et imaginaires, étaient encombrés par cet homme venu
d’Amérique. Personne ne s’était demandé
ce qu’il était vraiment venu faire à Loches, mais on l’avait plébiscité.
Maintenant
il pleut, mais il est trop tard. On ne
voit plus rien de joyeux. On voudrait
renvoyer ce cousin d’Amérique là d’où il vient, mais les gens ne peuvent plus
réagir, ni même réfléchir. Il n’y a plus
que du vide qui leur sort des yeux. La
réalité n’a plus rien à envier aux films les plus sombres vus jadis dans les
cinémas.
Mais
tiens, quel est ce bateau qui accoste au quai de la ville de Loches ? Il arbore le pavillon coréen. Un homme grand et costaud en sort, mais aux
cheveux noirs celui-ci. Une petite fille
lui offre un bouquet de lilas…
Françoise
Je vois
la forêt d’épicéas.
Et tout
d’un coup le souvenir m’est apparu, de ce film fantastique que j’avais vu
enfant. Un film américain bien
évidemment. Il m’avait choqué car dans cette
immense forêt, soudain, apparu une tête pleine de cheveux. Et au milieu de la touffe de cheveux, oui
j’ai bien dit au milieu, donc derrière la tête, il y avait deux yeux !!!
Ah l’horreur !!!
Ce Noël-là
fut terrible pour moi. Le personnage
avait bien les yeux derrière la tête.
Devant mon cri, ma mère éteignit la télé mais c’était trop tard, dans ma
tête était gravée à jamais cette image liée à une forêt d’épicéas. Mon horizon de gamine s’arrêtait là et
j’étais pétrifiée, incapable d’imaginer un être aimable avec cet
aspect-là. Il pleuvait derrière les
carreaux de la maison et j’ai pleuré de ne pas avoir près de moi mon cousin
adoré qui aurait su me rassurer et faire
de cet étrange personnage un être drôle, magique, féérique comme on peut voir
au cinéma. Je manquais décidément de
fantaisie, d’optimisme même, pourquoi voir tout en noir ? C’est alors que ma grand-mère déposa près de
moi son cadeau de Noël à elle : une aquarelle peinte de sa main intitulée
« les lilas ». Soudain une
immense douceur m’envahit. Elle avait
trouvé de quoi me réconcilier avec la fête de Noël.
Marie-Jo
Je vois
des chaussures rouges
Et tout
d’un coup le souvenir m’est apparu, celles que j’avais portées à 15 ans, pour
aller aux Amériques. Mais à la douane,
l’employé, happé par la couleur de ces souliers, se cogna sur la poignée de ma
valise et un liquide jaunasse sortit par ses yeux. Affolée, j’essayais d’appeler du secours mais
tout le monde sait qu’en période de Noël le personnel des grands aéroports est
en effectifs réduits et personne ne vint.
Condamnée à salir mon écharpe pour éponger cet écoulement oculaire,
l’homme me dit que c’était trop tard et qu’il allait perdre la vue, il en était
certain. Je n’en revenais pas de ce
diagnostic abrupt et voulu le réconforter, l’emporter vers d’autres horizons en
lui louant les grands progrès de l’ophtalmologie. Mais les yeux semblaient se vider, telle une
fontaine, comme s’il pleuvait à seau. De
mon écharpe, je fis un bandeau, le lui enroulant autour de la tête. Mais lui, violemment, l’arracha, disant que
la vue de mes chaussures rouges lui était d’un grand réconfort. Il me fit téléphoner à son cousin afin qu’il
vienne le chercher. Quand celui-ci
arriva, mon douanier ne voulut partir que si je lui donnais mes souliers
rouges. Aussi, je m’en défis avec
regrets, ne comprenant rien à son cinéma.
Pieds nus devant le tapis roulant de la douane, j’extirpais de ma valise
mes sandales lilas et constatais avec dégout ma tenue. Cette petite robe à pois rouges était si
mignonne avec mes ballerines rouges.
Sandales lilas et robe à pois rouges, j’étais aussi moche que toutes ces
amerloques au mauvais goût ! Je
décidais d’en prendre mon parti et fis un selfie que j’envoyais aux copines en
France avec le commentaire « me in America, very pas belle ! »
Odile
2èm
jeu : Chacun souligne 3 phrases dans son texte. Après un subtil jeu de voisinage, chacun se
retrouve avec une feuille et 3 phrases (un incipit, 1 phrase au milieu et 1
phrase de fin).
Question
avant d’aller plus loin : avez-vous compris le choix des mots imposés du
jeu précédent ?......Madeleine de Brel!
On
va écrire en répondant à la question « pourquoi
Madeleine n’est-elle pas venue ? » avec une image imposée pour
faciliter l’inspiration…
Soudain apparut une tête pleine de cheveux à
l’orée du bois. Un homme
en bras de chemise gesticulait et hurlait comme un possédé. Pendant ce temps-là, Madeleine qui avait
laissé Jacquot, c’est-à-dire un pauvre type qui n’aurait pas de quoi la
satisfaire, l’attendre à la halte du tram, s’était rendue au rendez-vous que
l’Américain lui avait proposé dans la Forêt de Soignes. Tous
les horizons, réels et imaginaires, étaient encombrés par cet homme venu
d’Amérique. Il avait fait miroiter
des rêves fous dans l’esprit de Madeleine.
Elle l’avait rencontré il y a peu de temps, dans le centre de Bruxelles
et elle ne faisait que penser à lui.
Quand
elle vit l’ombre du fou furieux s’approcher d’eux dans la forêt, elle prit peur
pensant que Jacquot voulait se venger.
Mais il n’en était rien !
C’était Eugène de la baraque à frites qui les poursuivait parce qu’ils
avaient oublié de payer. Mais Madeleine
ne savait pas qu’Eugène, lui aussi, était amoureux d’elle. Aveuglé par la jalousie, il se rua sur
eux. « Je sais que nous sommes arrivés à destination » s’écria Eugène
et il prit Madeleine dans ses bras, laissant l’Américain abasourdi et paralysé
par la peur. Eugène s’enfuit avec
Madeleine et nul ne sait où ils sont allés.
Depuis, Jacquot ne mange plus de frites et n’attend plus Madeleine.
Anne
C’est trop tard pour pleurer maintenant, pour
se lamenter sur notre passé.
Les
rencontres amoureuses sont légions, profiter de chacune, la savourer, la
laisser s’épanouir, l’activer de deux coups d’éventail, frôler en frissonnant
le bras attentif de l’autre, faire provision de toutes ces émotions si
excitantes, toutes ces merveilles, ces émois ne peuvent laisser la place aux
lamentations.
Madeleine
le savait bien, elle qui, à l’ombre du chêne centenaire, avide des paroles de
son prétendant, les joues rosies par l’émotion, se grisant du bouquet parfumé
qu’il lui tendait, se disait qu’il ne
fallait pas attendre qu’il soit trop tard. Ronsard la bouleversait par des poèmes. Fallait-il qu’elle aille encore et encore
rêver auprès d’un autre ?... Ses ambitions étaient immenses et Jacques pourrait encore l’attendre,
elle n’irait pas au rendez-vous. Et elle
se dit qu’elle avait de la chance d’avoir un jour découvert dans ses souvenirs
une richesse d’ancrages possibles, insoupçonnés. Peut-être un jour lui ferait-elle partager
cela, au grand Jacques…
Annie
Je vois un bosquet de lentisques térébinthes. Je vois aussi en noir et blanc une image
floue, au bord du visible, d’une petite duchesse assise à son écritoire embelli
de fleurs de lys. Elle rêve, elle se
questionne : « comment lui dire que je ne viendrai pas, malgré tout,
malgré son rire que j’aime tant, malgré son honnêteté qui me sécurise. J’ai trop peur. » Soudain, Madeleine se dresse :
« que fais-tu là ? » demande-t-elle au tout jeune-homme qui
surgit derrière elle. A sa vue, une idée
folle lui vient à l’esprit. « Et si
je lui donnais mes souliers rouges ? » se demanda Madeleine. « Si Jacques avait mes chaussures, s’il
pouvait les tenir dans ses mains, il saurait, il saurait que je l’aime, que je
ne l’abandonne pas. Qu’un jour, dans
d’autres chaussures, j’irai le trouver… je le retrouverai n’importe
où ! ». Muni du petit sac
brodé où se cachent les petites chaussures rouges, le joli jeune-homme s’en va
à la recherche de Jacques patientant devant le cinéma. Et enfin, le vent passe entre les gouttes de pluie, faisant une valse couleur de
lilas.
Candy
Un liquide jaunasse sortit par ses yeux. Madeleine fut vraiment écœurée par les yeux
de celui qui, à genoux, lui déclarait son amour. Elle si mignonne, si délicate. Sur le guéridon sur lequel reposait son bras,
se trouvait un flacon. « Tiens, se dit-elle, il a beau être à
mes genoux, suppliant, implorant, je ne supporterai pas ce regard, ces yeux chassieux. Il ne m’a jamais plu, il faut que je
l’éloigne de moi ! » Elle
avait heureusement prévu de le répudier et maintenant c’était le moment. Elle ouvrit la fenêtre et versa sur lui le
liquide que contenait le flacon. L’homme
disparu dans un nuage de fumée qui s’envola par la fenêtre. Elle le vit alors. « Au-delà
de ces paysages, je le sais, je le sens, il pleut. Peut-être cette
pluie le lavera de l’amour qu’il avait pour moi, amour vraiment pas
partagé. Je suis jeune, jolie, délicate,
je n’ai pas à être courtisée par un barbon.
C’est d’ailleurs ce que je disais à mes jeunes amies. Nous avons décidé ensemble de résister aux
déclarations de nos prétendants non-plaisants.
Cela c’était il y a longtemps, nous avions décidé de nous marier
seulement au moment du printemps. Mais pour nous le printemps était loin,
nous sommes restées célibataires. »
Signé : Madeleine.
Colette
« On peut regarder le ciel toujours
différent, on peut s’émerveiller devant les couleurs de l’automne, on
peut éventuellement s’attendrir devant une fleur, un sourire d’enfant, un gâteau
au chocolat… Mais quand ça ne veut pas,
c’est que ça ne veut pas !!! »
C’est ce
que pensait Madeleine en ce moment.
Pourtant, sa journée avait bien commencé. Elle avait enfin pris la décision d’envoyer
balader ce soupirant nigaud dont l’unique ambition était de lui conter
fleurette devant des bacs à frites dégoulinant de gras de bœuf. Mais en bonne fille, elle avait décidé de lui
signifier la rupture de vive voix lors de ce rendez-vous qu’elle pensait bien être
l’ultime rendez-vous.
Madeleine
avait donc emprunté le tram 56 pour se rendre Place de Brouckère. C’était sans compter avec l’arrivée du cousin
Gaston, celui qui avait prêté des sous à son collant galant. Cousin Gaston était dans le tram et il
manigança tant et si bien qu’il attira Madeleine dans son repère
malfaisant. Son horizon de gamine
s’arrêtait là. Finies les illusions sur
la vie et sur sa journée qui devait se terminer par une rupture rondement menée
devant un verre de bière. Voici
Madeleine les poings liés, pendue au plafond.
A l’aide d’une plume, cousin Gaston lui grattouille la voute plantaire
pour savoir où son amoureux a planqué ses économies. Madeleine a beau répéter que toute la fortune
a dû passer dans des cornets de frites, des séances de cinéma et des bouquets
de lilas, Gaston est un têtu. Madeleine
est très las de ces procédés somme toute très peu courtois. Elle en vient presque à regretter son fiancé,
niais soit, mais si gentil et si amoureux…
Elle sonda son cœur et un homme
grand et costaud en sorti.
Françoise
Il n’est jamais trop tard pour laisser le
vent m’emporter, pour planer dans les rues, en espérant que Madeleine reviendra, mais
Madeleine n’est jamais revenue.
Elle est
restée figée devant la statue
Elle
s’est mêlée aux femmes de petite vertu
Elle a
préféré être de celle-là
Qui
toujours danseront
Qui
seront sans mari, sans maison
Et qui
jamais ne se ligoteront.
Madeleine
a choisi les jours de fête
Moi
aussi, j’aimais les grandes journées de
fête
Mais sans
Madeleine pas de vrais fêtes
Je la
vois assise sous la hêtraie
Autour du
bassin ombragé, quelques enfants à ses pieds.
Toute sa
beauté gâchée.
Le ciel
pleure quand moi je rie.
Et
soudain, une immense douceur m’envahit.
Marie-Jo
Une
étendue de sable se déployait devant moi, mais j’avais Madeleine à côté de
moi. J’étais comblé ! Aucun besoin de lui faire la cour en
virevoltant devant ses sœurs, cousines, tantes et mères. Nous nous étions rencontrés dans l’avion pris
pour ce voyage organisé dans le grand erg.
Et, à peine assis l’un à côté de l’autre, nous sûmes que nous étions faits
l’un pour l’autre. Au bout de trois
jours de rando, à la tombée de la nuit, auprès du feu allumé par notre guide
sous la voute étoilée du désert, nous échangions sur ce coup de foudre
réciproque. Madeleine, d’un ton
tranquille, me glissa au détour de notre conversation : « ce qui est
important c’est que le souvenir nous ramène à l’instant présent, auquel cas
rien n’est jamais trop tard et l’horizon est toujours lumineux. » Moi qui étais un passionné de gravures, un
peu ringardes je vous le concède, j’avais toujours imaginé qu’une rencontre
amoureuse devait être orchestrée par des amis, de la famille ou des sites
spécialisés. Ni violon ni costards pour
moi, ni maquillage ni mise en plis pour elle.
Seul le silence du vent, nos polaires et la fatigue de cette grande
journée de marche. Nous baignions dans
un bonheur simple, oui l’horizon serait toujours lumineux.
Elle fit
un selfie qu’elle envoya aux copines en France et je fis de même.
Odile
3èm
jeu : Et après…
Avec
un incipit suivi de notre véhicule à souvenir du début, et des mots tirés du chapeau à placer dans le cours du texte.
Ce soir
j'attendais Madeleine
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Je vois
la ville de Loches.
Dans mes
souvenirs, là j’étais heureux avant de rencontrer Madeleine.
Au diable
les lilas, les frites chez Eugène, le cinéma.
Je
retourne à Loches.
Je
reprendrai la bêche de mon père,
je
retournerai la terre,
je
cultiverai des légumes,
j’aménagerai
le jardin de mon père.
Je
regarderai le fleuve,
l’eau qui
coule comme coulent les heures.
Mon
regard se tournera vers l’infini.
J’écrirai
des chansons,
je
voyagerai,
j’achèterai
un bateau,
je
nagerai sur le fleuve vers la mer,
je me
perdrai dans le désert de l’océan jusqu’à ce que je m’échoue sur la plage d’une
île paradisiaque où vivent des femmes magnifiques au regard intense et au teint
basané.
J’oublierai
Madeleine en saisissant la poignée de la porte d’une cabane en bambou et je me
perdrai dans les bras d’une belle embaumée à la fleur d’orchidée.
Elle
viendra à ma rencontre, pieds nus, et je lui offrirai les chaussures rouges que
Madeleine n’a jamais voulu porter.
Anne
Ce soir
j'attendais Madeleine
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Je vois le
désert immense qui s’ouvre sous mes pieds, solitude terrible.
Je n’ai plus
qu’à reprendre le chemin de mon village près de la ville de Loches.
Saisir la
bêche de mon père et m’épuiser dans le travail de la terre. Regarder pousser les navets et les carottes
et faire disparaitre le visage de Madeleine dans les sillons.
Peut-être
vaut-il mieux m’expatrier dans le désert du Sahara, là où rien ne pousse, là où
le visage de Madeleine disparaîtra avec l’harmattan dans les nuages de sable
piquant.
Quelle
poignée de porte s’ouvrira sur l’espoir ?... un autre amour aux chaussures
rouges et aux délicats petits pieds.
Au diable
les lilas !
Annie
Ce soir
j'attendais Madeleine
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Je les vois
les chaussures rouges,
ces
chaussures que Madeleine ne porte pas.
Je la vois
la bêche, la bêche de mon père,
mon père qui
ne reviendra pas.
Pas ici, pas
à Loches, pas là-bas.
Simplement,
elle ne reviendra pas.
Pour moi,
maintenant, le vide.
Pour moi,
maintenant, le désert, le sable sec, le sable chaud qui mène de dune en dune.
Qui mène à
la porte avec la poignée usée derrière laquelle se cachent les chaussures
rouges du futur
Candy
Ce soir
j'attendais Madeleine
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Je vois
la poignée de la porte
C’est
bien là que j’aurais voulu emmener Madeleine.
Je ne
pourrais même pas lui offrir un jardin où planter des lilas avec la bêche de
mon père. J’aurais tant aimé la couvrir
de fleurs.
Je
l’aurais emmenée en voyage hors de Bruxelles, dans les Châteaux de la Loire,
dans la ville de Loches. Nous aurions bu
du vin des coteaux et nous aurions flâné sur le bord des rivières.
Ah
Madeleine ! Que j’aurais aimé tout
cela.
Je suis
maintenant dans un grand désert, plus de Madeleine.
Peut-être
rencontrerais-je là-bas une belle bédouine nommée Leïla la nuit ou Mora la
fleur ou Djamila la belle…
De ce
pas, je vais aller chercher un billet pour Tamanrasset. La poignée de la porte de l’agence représente
un chameau avec un bassour. C’est pas
croyable, on connaissait donc le but de mon voyage. J’ai toujours rêvé de courir les déserts, de
faire des veillées autour du feu avec des bédouins. J’imagine une danseuse couverte de voiles de
couleurs chatoyantes, de colliers étincelants, chaussée de chaussures rouges.
Colette
Ce soir
j'attendais Madeleine
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Je sens
la forêt d’épicéas et je pense aux jours anciens où j’étais heureux loin des
femmes qui jouent avec mon cœur.
Je
courais comme un fou, me cachant d’arbres en arbres, fuyant la bêche de mon
père et le travail pénible qu’elle supposait.
Puis, ce
fut l’internat à la ville de Loches. Ma
quiétude de garçon innocent était terminée : j’approchais des filles pour
la première fois.
Chaque
jour je fus amoureux : chaque matin ce fut le grand amour, chaque soir ce
fut les larmes.
Un
nouveau sourire… mon cœur ne restait jamais longtemps dans le désert.
Puis, ce
fut Madeleine. Elle était là, unique.
Elle
avait verrouillé de l’intérieur la poignée de la porte de mon cœur !
Petit
cœur d’artichaut, tout mou, tout frit qui pleure sur ce trottoir de Bruxelles.
Mais,
qu’entends-je ??? Ce cliquetis de
talon… ces chaussures rouges…
Candy !!! Ah mon cœur, pourquoi t’emballes-tu ?
Françoise
Ce soir
j'attendais Madeleine
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Je la
vois, la bêche de mon père
Ce
souvenir m’exaspère
Il attise
ma colère
Et je
deviens très amer
Cette
bêche de mon père
Elle
s’enfonce dans la terre
Elle
déterre tous les lilas
Et puis
moi je reste là
Je
partirai loin d’ici
Surement
dans la ville de Loches
De toute
façon tout est moche
Sans
Madeleine tout est fini
C’est le
désert dans ma vie
Puisque
Madeleine est partie
Dans ma
tête il n’y a plus rien
J’arracherai
tous les lilas
La
poignée de la porte est là
Elle me
tend vraiment les bras
J’y vais,
j’y vais pas
Si, je
vais me pointer là-bas
Mais les chaussures
rouges sont là
Dans le
placard tout en bas
Ah
Madeleine ! t’es toujours là !
Dans mon
petit cœur à moi !
Marie-Jo
Ce soir
j'attendais Madeleine
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Mais j'ai jeté mes lilas
Je les ai jetés comme toutes les semaines
Madeleine ne viendra pas
Je sens le
bouquet de térébinthe
Et me voilà
à moitié de ma peine.
La ville de
Loches est sous l’orage
Et moi,
j’enrage.
Je l’ai
perdue, ma Madeleine,
et c’est le
désert dans ma vie.
En
trouverais-je des Madeleine au-delà de cet horizon de pluie ?
Partir au
bout du Val de Loire, est-ce de cela dont j’ai envie ?
Ses souliers
rouges me reviennent en rêve
Et
des souvenirs encore plus la nuit.
La poignée
de la porte, saurais-je la saisir pour quitter ce lieu qui fut un
paradis ?
Madeleine,
tes chaussures rouges ont laissé à jamais une emprunte dans mon cœur.
Le sauras-tu
un jour,
ma petite
fleur de lilas ?
Odile
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