le 21 novembre 2016: être né quelque part



Le 1er jeu : « si j’étais né à … »  en sachant que le lieu est imposé par le « lieu rêvé »  de son voisin de droite.  Quant au voisin de gauche, il offre un petit papier avec  3 mots à insérer, dont un verbe:

Si j’étais née à l’île Maurice, je savourerais des fruits exotiques.  Je me laisserais envouter par la magie des lieux.  Je prendrais plaisir aux joies de la mer et de la plage et je chanterais le soir venu en m’accompagnant à la guitare.

Anne

Si j’étais née dans un château en Angleterre près de l’Océan, je serais maintenant entourée du privilège de connaitre une histoire personnelle jalonnée d’intrigues et de mystères.  Quel roi a décidé de récompenser mes ancêtres de leur loyauté ?  Quelles décisions ont contribué au maintien de ce beau bâtiment, de ces merveilleux jardins où je cours à perdre haleine au rythme du flamenco.

Candy

Si j’étais née au Portugal…

Ah si j’étais née au Portugal.  En fait, j’ai failli y naitre puisque ma grand-mère maternelle est portugaise.  Mais l’histoire a voulu qu’elle épouse mon grand-père espagnol et qu’ils viennent se réfugier en France…bref !  Sinon, ben oui !!  Au lieu de connaitre la Méditerranée à Perpignan, j’aurais plutôt connu l’Océan.  Moi qui n’aime pas trop la chaleur du soleil, elle m’aurait fait encore plus souffrir.  J’aurais pu peindre les gens, les Portugais que j’ai rencontrés souvent et qui sont si accueillants.

Marie-Jo

Si j’étais né au restaurant étoilé à Fontjoncouse dans les Corbières, chez Goujon, j’organiserais des week-ends argentins.  J’inviterais un musicien qui joue au bandonéon et après, pendant le repas, les gens pourraient danser le tango pendant que moi je fabriquerais ma passion dans la cuisine.  Pour ceux qui veulent, il y a toujours la piscine pour nager.

Paul

Si j’étais née à Buenos Aires j’aurais été enchantée de jardiner des espaces généreux pour faire rêver les gens et les aider à sortir du froid glacial de la dictature.

Annie

Si j’étais née au Grand Palais, la nuit…  C’est très étrange car je connais ce lieu, il m’est familier.  Il y a beaucoup de choses à découvrir, plusieurs pays sont représentés, la paix et le contentement.  Et je saute dans ce palais.  Je suis émerveillée par tant de trésors.

Christiane

Si j’étais née dans la maison du Père Noël, en Laponie en 2005, je marcherais avec grandeur sous les immenses plafonds faits de verre et de métal de la fabrique de jouets, accompagnée d’une armée de lutins exploités, prêts à rendre service illico presto à leur maitresse tyrannique, moi, la fille du Père Noël.

Margot

Si j’étais née à Lassa, pendant le règne d’un Dalaï Lama, je mangerais les mets aux saveurs tibétaines et dans un bol que le Dalaï Lama ferait chanter, j’y boirais un savoureux vin plein de spiritualité et d’amour.  Et nous tous, terminerions dans un grand sourire et rire comme le Dalaï Lama sait les propager.

Martine

Si j’étais né dans une forêt sombre dans le nord de l’Écosse, je porterais un kilt et une peau de mouton.  J’errerais des heures durant dans les parcs naturels, dévoré par les moustiques.  Je rêverais sans doute de partir à Glasgow, mais sans aucune attache, je finirais sur un banc au milieu des fleurs.
        Françoise M.


Le 2èm jeu : chacun reçoit la photo d’une personne qui a déjà été identifiée par un autre écrivant (nom, lieu d’origine et passe-temps favori) et tire également au sort la photo d’un endroit.
L’histoire : le narrateur et le personnage ont tous deux quitté leur pays d’origine.  Ils se rencontrent sur un lieu inspiré par la photo.
On passe à l’écriture de cette rencontre sans oublier, qu’en cours d’écriture, des phrases issues du 1er  jeu sont tirées au sort et doivent être insérées dans le texte le plus instantanément possible.

J’ai quitté mon pays parce que je m’y sentais trop à l’étroit.  La bureaucratie et la vie bruyante dans un air malsain, saturé des émanations d’un trafic trop dense.  Je prendrais bien plaisir aux joies de la mer, aussi je m’embarquai sur un bateau pour gagner le sud de l’Italie où je débarquai quelques jours plus tard dans le port de Naples.  Quelqu’un m’avait renseigné sur une petite maison à vendre dans la campagne avec vue sur le Vésuve.  J’avais l’adresse de l’agence immobilière qui se situait dans une rue étroite du centre-ville.  Dès que j’eus franchi le pas de la porte, une dame plus très jeune m’accueillit dans un grand sourire et rire.  « Bienvenue chez les Ch’tis, oh pardon, chez les Napolitains » me dit-elle en s’esclaffant.  « Je pensais bien que vous veniez du Nord.  Les gens arrivent ici pour jardiner des espaces généreux puisque dans le Nord, il n’y en n’a plus.  Je m’appelle Bernadette et j’ai toujours vécu dans le 16èm arrondissement.  Ma vie a été jalonnée d’intrigues, mais depuis que j’ai déposé mes valises dans cet endroit, je mène une vie paisible.  Si vous voulez, allons boire un café sur la place en face. »  Sur ce elle se leva et nous rejoignîmes la terrasse d’un petit café.  Bernadette sortit son éventail de son sac et, tout en contemplant la mer, elle fit un pied de nez à la bonne société.  Cette femme me plaisait.  Mon histoire commençait à prendre un cours différent.  Pourtant, dès que je me fus installée dans ma nouvelle maison, il m’apparut après quelques années que les autochtones ne m’acceptaient pas vraiment.  Ils ne toléraient pas mes habitudes, mon exubérance et mon franc parler.  L’omerta était bien ancrée dans cette couche de la population.
Anne

Pendant son voyage en Inde, entrepris pour compléter ses études de yoga, Philippe est tombé amoureux.  Amoureux fou et sans fin, pas de Samira qui souvent lui conseillait de prendre plus plaisir aux joies de la mer, mais de la vie qu’il vivait dans le camp.  Il aimait être sous tente, tout proche des autres chercheurs qui patiemment, tranquillement, attendaient que quelque chose change.  Étonnement, c’est là que ses études s’approfondirent dans de grands sourires et rires qui encouragent l’espoir et la gentillesse.  Bien que de l’extérieur, les tentes semblent serrées et trop proches, on y jardine des espaces affectifs généreux.  Pas ici les silences jalonnés d’intrigues et de peurs.
Candy

Mistigri s’est perdu ou bien ses maîtres l’ont abandonné sur le bord de l’autoroute, quelque part en France.  Il a faim, il a froid.  Il marche sans but, mais sans arrêt.  Il ne le sait pas bien sûr, mais il vient de passer la frontière.  Il aperçoit de l’eau.  Il croit qu’il va pouvoir prendre plaisir aux joies de l’eau, mais elle est salée, impossible donc de boire, c’est la mer.
Un bateau est là, amarré.  Julien vient d’arriver de son île polynésienne pour changer de pays, retrouver une amie  avec qui il fera peut-être sa vie.  Il attend… longtemps…  Pas d’amie en vue.  Il gravit la montagne juste là au-dessus et entend derrière lui un bruit.  Avec un grand sourire et rire, il vit Mistigri qui le suit enfin content d’avoir un compagnon.  Épuisés tous les deux, ils voient les gens tout petits en bas.  Julien s’étend sur le sol, longtemps.  Mistigri se love contre lui.  Ah, un homme qui aime le farniente comme moi !  C’est sa devise à Julien, surtout pas trop d’activités, pas de jardinage, d’espace généreux, pas de vie compliquée jalonnée d’intrigues, pas de vagues quoi !!
Marie-Jo

Après un long voyage fatigant, je rencontre Nihor Han sur un banc, un coca et un sandwich à la main.  Je me suis assis à côté d’elle et quand je lui ai demandé d’où elle venait et elle a commencé à me raconter son histoire.  Elle avait dû quitter sa famille en Chine parce qu’elle était une fille, une fille de trop.  Elle avait pris le bateau pour une destination lointaine qu’elle ne connaissait pas.  Un voyage plein d’histoires… de la misère mais aussi du plaisir aux joies de la mer.  Après des semaines et des semaines, elle croyait avoir appris tout et elle était arrivée depuis hier dans ce quartier lugubre où régnait la loi de l’arme.  Pourtant elle vivait dans un grand sourire et rire.  Jardiner dans des espaces généreux était un fantôme.  Ici c’était le désert, la jungle jalonnée d’intrigues.  Et pourtant Nihor était là, à côté de moi, souriante, pleine d’espoir pour le futur parce que depuis que sa famille l’avait refusée, elle était la bienvenue partout où elle arrivait.
Paul

Pour des raisons politiques, Vincente a quitté l’Equateur, son pays natal.  Il n’aurait jamais imaginé que ses pas le conduiraient dans cet entrepôt sinistre d’une zone maritime où il aurait pu prendre plaisir aux joies de la mer.  Mais la rencontre d’Henri, jeune Zaïrois en quête d’un sponsor pour jouer au tennis à un très haut niveau, va complètement modifier ses plans.  Jamais il n’aurait imaginé qu’on puisse, au nom d’une passion sportive, voyager entre deux caisses de déchets métalliques pendant des jours et des semaines, et sortir de cet enfer dans un grand sourire et rire.  Lui dont la passion était de jardiner des espaces généreux, juste pour apporter de la magie à la ville, aux autres.  Echanger avec ce jeune rêveur sur un sujet comme le tennis, qui pour lui était rempli d’intrigues,  a perturbé toutes ses convictions et a stimulé son imagination.  Ici, comment exister sur le bitume ?
Annie

Tintin vient du Népal.  Il quitte son pays avec sa famille pour Paris, pour faire des études et apprendre le français dans une grande école et faire de grandes balades avec son yak.  Dans le bassin il y a beaucoup de poissons.  Il rêve d’aller aussi ailleurs, dans un grand sourire et rire.  Je prendrais plaisir aux joies de la mer, soit en Bretagne ou aux Saintes Marie de la Mer ou en Corse, avec de grandes plages.  J’aimerais jardiner des espaces généreux pour avoir beaucoup de fleurs.
Christiane

Je prends l’avion pour l’Arabie Saoudite.  J’y suis attendue comme consultante afin d’améliorer les techniques de tissage des foulards en laine rouge et blanche que portent les hommes distingués dans cette contrée.  Ma mère espère que je vais y rencontrer un bon parti.  Je ne compte pas trop là-dessus. Je prendrais plaisir aux joies de ma mère si les dits jeunes hommes étaient plus tolérants, bien qu’ils soient portés sur les belles étoffes.  J’étais en train de penser à tous les bons mariages que ma mère voulait bien me trouver lorsque Maria s’approcha de moi.  Elle venait du Yucatan et me proposait son aide pour sortir rapidement de mes tourments.  « Je prépare avec beaucoup de soin des potions magiques qui, dans un grand sourire et rire de la vie,  vous feront trouver un mari dans cette foule avant la fin de la soirée » me disait -elle.  J’essayais de lui expliquer que mes préoccupations premières étaient plutôt lainières et que je pouvais, si elle voulait, lui tricoter un bonnet avant la fin de la soirée lorsqu’elle me retourna qu’il valait mieux que je jardine mes espaces généreux pour trouver un galant, plutôt que de rester accrochée à mes aiguilles et à mes pelotes de laine comme une vieille fille.  Je lui rétorquais que ma vie n’était pas jalonnée d’intrigues et qu’elle se rattachait surtout au tricot et à la confection de bonnets.  Affligée par mon refus du filtre d’amour, elle s’en alla voir un autre minois plus avenant et dépourvu de pull en laine.
Margot

A un carrefour de cette immense ville du bout du monde, Michel, traversant au passage clouté, se fait bousculer par un bout de chou.  Vexé, il se retourne, aperçoit une fillette qui court, tenant dans sa main…   un livre ?  un sac ?  Non, il comprendra quand, remis de ce choc, il décide de rattraper ce malotru.  Il court, attrape cet enfant, car c’est un enfant qui quand elle était à l’‘île Maurice prenait plaisir aux joies de la mer.  Surpris, il s’aperçoit que c’est une fillette.  Sa colère fond dans un grand sourire et rire.
« Comment t’appelles-tu ? »
« Aurélie »
L’enfant a peur, elle craint la réaction de cet homme qui lui parait immense, mais qui calmement lui pose cette question
« D’où viens-tu ? »
« De là, du magasin. »  Elle a peur que cet interrogatoire soit jalonné d’intrigues
« Non, d’où viens-tu, de quel pays ? »
« De l’Ile Maurice »
« Oh, mais je connais ! J’y suis allé avec ma famille, rendre visite à notre fils qui avait choisi d’être prêtre ! »
A cet instant précis, la fillette tend sa tablette (c’était ce qu’elle tenait à la main) car elle adore y jouer (ce qu’elle faisait lorsque ‘elle traversait cette énorme avenue et bousculait notre homme)
« Regarde monsieur, une photo de mon île. »
Et tous les deux découvrent en même temps ce prêtre Emmanuel en train de jardiner cette terre si aride qui deviendra un espace généreux pour tous.
Martine

Mon voyage pour Glasgow m’a entrainé beaucoup plus loin que je ne l’avais imaginé.  Finalement, les aléas et les rencontres m’ont emmené en France.  Mon kilt et mon gilet de mouton ont amusé et m’ont attiré la sympathie des autochtones.  Je prenais plaisir aux joies de la mer du Pas de Calais ; avec le kilt, c’était pratique pour sauter dans les vagues.  Mais cette pause dans mon errance n’a pas duré longtemps. Alors que beaucoup de mes camarades d’infortune souhaitaient partir là d’où je venais, j’ai continué ma route et je suis arrivé dans cette zone industrielle où trouver du travail est chose aisée, les autochtones ne se précipitant pas.  C’est là que j’ai rencontré Igor Slandivich.  Il a quitté la Serbie lors de la guerre,  il y a déjà quelques années. Depuis son arrivée dans la région, dans un grand sourire et rire, il joue du violon alto pour réchauffer le moral des ouvriers.  Il est vivement applaudi par des hommes, à 3 mains pour certains et à 5 oreilles pour d’autres.  Grâce aux rejets de la centrale nucléaire, les ouvriers jardinent des espaces généreux où les légumes poussent presque tout seul.  Les carottes fluorescentes ont beaucoup de succès auprès du public parisien.  Certains soirs, quand Igor joue du violon, je monte sur la table et je danse des flamencos endiablés, tournoyant follement dans mon kilt.  Mais la vie ici m’ennuie, je rêve d’un avenir jalonné d’intrigues… avec Igor ?
Françoise M

Journaliste à Bombay, on me demande d’aller couvrir un événement qui semble être de la plus grande importance en Grande Bretagne.
Il s’agit de montrer au monde qui compose la foule des admirateurs de la petite nièce de la reine, Bridget de Birmingham. De l’inde, ce groupe cosmopolite est observé avec beaucoup d’intérêt.
Me voilà donc interviewant Mr Ibrahim commerçant sikh, Monsieur Burton consul en Nouvelle Zélande qui raconte  comment il prend plaisir  aux joies de la mer, Madame Indira Ravelonjata fière de son ascension sociale  spectaculaire (c’est une  grande restauratrice sur la place de Londres) et, alors que je passe de l’un à l’autre, me voilà bousculé par un petit jeune qui ne manque pas de culot, un certain Clément, jeune Lyonnais de France, qui me dit avoir proposé à la nièce de la reine, la Bridget, une version Rap de God Save the Queen.  Il a su jouer des coudes dans cette foule d’invités et c’est dans un grand sourire et rire qu’il a abordé la demoiselle. Sa spontanéité et sa détermination ont conquis la petite nièce de la reine qui lui promet d’intercéder auprès d’Elisabeth II.  Moi qui suis témoin de la scène, je vois comment ce jeune rappeur jardine les espaces généreux que lui ouvre la belle miss, il s’y aventure en chantant chaque couplet de l’hymne et la Bridget, avertie des intrigues qu’elle aura à mettre en place pour conquérir la reine, cherche des yeux dans la foule des invités, les oncles chapeautés de hauts de forme car elle sait  depuis qu’elle est toute petite les amadouer.  Une fois leurs regards captés, elle  les incite l’un après l’autre à se rapprocher d’Élisabeth.
           Odile


Le 3èm jeu : à la lecture des textes précédents, chacun a été particulièrement attentif au texte de l’écrivant tiré au sort.  On continue notre histoire mais en y insérant les personnages du texte écouté.  Le tout avec une image tirée au hasard dans le livre La Terre vue du Ciel (la même pour tous) qui doit se retrouver dans le texte, un incipit et une phrase de fin.
Petite remarques : les consignes sont faites pour être appliquées mais aussi contournées ! Et tous les écrivants n’ayant pas laissé leurs textes pour publication, certains faits et personnages peuvent paraitre sortis de nulle part.


J’allais trouver Bernadette à l’agence.  « Que signifient les racines quand aucun sol ne nous tolère ? »  lui lançais-je avec amertume.  Et je lui expliquai mes difficultés à m’intégrer.  Pour nous changer les idées, après une discussion enflammée, nous nous rendîmes au cinéma.  C’était un film documentaire dans lequel un certain Philip rencontre une jeune fille, Samira, vivant dans un campement au pied d’un canyon.  Les gens s’adaptent aux circonstances climatologiques et économiques, et semblent heureux d’y vivre.  Tout le monde s’entraident et se tolèrent.  Les clairs obscurs du canyon offrent un spectacle magnifique.  Ce serait peut-être là un endroit pour vivre.
Anne

« Que signifient les racines quand aucun sol ne nous tolère ? » demande Nior Han d’une voix désolante, attristante.  Philip, qui jusque-là pensait être dans un lieu de paix et de bonne entente, se rend compte avec honte que pour lui peut-être l’Inde est accueillante, mais ce n’est pas le cas pour tous.  Malgré les efforts de calme et de bonne humeur, la vérité fait mal et il faut partir à nouveau, se distancer de ces sentiments négatifs et intolérants. Philip décide de prendre ses effets et d’accompagner Nior Han pour veiller sur elle.  Il veut aider cette petite fille de trop chez elle, qui sourit malgré son expérience malheureuse de désert et de jungle urbaine.  Ses yeux souriants et plein d’espoir méritent que Philip la guide vers les grands canyons ensoleillés du centre du monde.  Ce serait peut-être là un endroit pour vivre heureux…
Candy

« Que signifient les racines quand aucun sol ne nous tolère ? »  Mistigri, quand il a vu le panneau en haut de la montagne, il n’a rien compris.  Racine, pivotante ou pas ? Racine, l’écrivain ? Tolère ou colère ?... Julien, lui, s’est dit que réfléchir à la question était dans ses possibilités puisqu’il pouvait le faire allongé.  Sur ce, arrive accompagné de son yak, Tintin, le Népalais passé par Paris, avec son nouveau compagnon sorti des grandes écoles parisienne.  Les quatre, isolés sur ce sommet, engagent un long palabre devant cet écriteau.  Tolérer les racines des autres, laisser s’enraciner l’autre sur son sol, aller s’enraciner sur le sol de l’autre, la longueur des racines est-elle importante ?  Tous les sols valent-ils la peine de s’y enraciner ?  Trop d’azote ?  Pas assez ?  Sans réponse, ils redescendent et, oh joie, le son et lumière dans la vallée envoie sur la montagne l’image merveilleuse d’un canyon.  Peut-être un endroit pour s’enraciner pour la vie tous ensemble, si le sol nous veut bien.  Ce serait peut-être là un endroit pour vivre.
Marie-Jo

« Que signifient les racines quand aucun sol ne nous tolère ? »  demandais-je à Nahor Han. 
« Oh » me dit-elle après un long soupir, « tu sais ce n’est pas le sol qui m’intéresse, ce sont les gens qui y vivent qui comptent.  Ce sont les gens qui cultivent leur sol qui font du sol un verger ou un potager.  J’ai rencontré des gens qui étaient voisins, qui cultivaient le même sol mais l’un était accueillant et généreux et l’autre fermait sa porte.  Si jamais tu veux déménager, ce n’est pas le pays qui est important, c’est les gens qui y habitent qui font la différence.  Cherche un endroit où il y a un peu de tout. »
« Ah bon, lui dis-je.  Ce serait peut-être là un endroit pour vivre. »
Paul

Que signifient les racines quand aucun sol ne nous tolère ?  On les oublie, on les réinvente, on se réécrit une autre histoire.  La preuve en est : ce malheureux écossais en kilt et peau de mouton qui, en quête d’une vie meilleure, se retrouve dans le grand Canyon à danser le flamenco sur les pitons rocheux au coucher du soleil.  Son compagnon, un certain Igor Slandivich, serbe d’origine et virtuose du violon, après avoir partagé avec lui les carottes fluorescentes de la centrale nucléaire de la région industrielle de Glasgow.  Pris pas le charme des ondulations du kilt, il l’a suivi dans la quête de nouvelles racines.  Et chaque jour qui passe dans le Grand Canyon devient un enchantement.  Ce serait peut-être là un endroit pur vivre.
Annie

Que signifient les racines quand aucun sol ne nous tolère ?  Je suis à Paris pour mes études mais mes pensées sont au Népal où je pense à ma grand-mère, à mes tantes qui tricotent des bonnets, des écharpes pour pouvoir les revendre car ils ne sont pas riches.  Je suis très triste à l’école où je suis car je reste dans mon coin, déjà par la langue et la culture qui n’est pas la même que la mienne.  Je me sens seul car les personnes sont très distantes.  Le soir, dans mon lit, je repense à la bonne couverture tricotée que j’ai laissée là-bas.  Et puis j’essaye d’être positif, ce serait peut-être là un endroit pour vivre, pour fonder une famille. 
Christiane

« Que signifient les racines quand aucun sol ne nous tolère et ne tolère l’art du tricot ? »  C’est ce que je me demande assise dans l’avion, en regardant les terres arides en-dessous et en tricotant.  Cette réflexion philosophique vient du monologue sans fin de mon voisin de voyage, un certain José-Luis, qui m’explique qu’Anita, sa fiancée, est partie aux Etats Unis.  Il a peur car elle est pyromane et, avec la sécheresse du désert, tout risque de partir en fumée très vite et il ne pourra pas sauver sa dulcinée et le désert s’il n’arrive pas très vite à destination.  Je lui propose les services de Maria, la druide moderne qui fabrique des potions, pour le dépêtrer de cette mauvaise union avec une pyromane espagnole un peu folle.  Mais il ne m’écoute pas. Il continue à trépigner sur son siège, me disant qu’il est le mieux placé pour arrêter sa folie, étant pompier volontaire international.  Je décide donc de lui tricoter un bonnet ignifugé tout en regardant le Grand Canyon par le hublot, perdue dans mes pensées : « pas besoin de bonnet ici, ce serait peut-être là un endroit pour vivre en paix ».
Margot

« Que signifient les racines quand aucun sol ne nous tolère ? »  aurait pu dire Aurélie, notre petite fille venant de l’Ile Maurice se sentant perdue dans cette immense ville du bout du monde.
« Tu sais, mon fils, Emmanuel, il a voyagé en Italie où… attends, je vais te raconter cette drôle d’histoire :
Emmanuel arrive en Italie, cherche un logement dans ce port de Naples.  Ne connaissant personne, il se perd dans les ruelles et tombe sur une petite pancarte « chambre libre, petit déjeuner compris ».  Tu vois, il n’était pas si déraciné !  Il frappe et une femme vient lui ouvrir.  « Ch’ti ? Napolitain ? » Il n’a pas le temps de lui répondre qu’elle lui fait un pied de nez avec son éventail.  Surpris, il répond avec son accent savoyard « Je viens du lac, du lac d’Annecy, je m’appelle Emmanuel » et elle de répondre « je viens du 16em et je m’appelle Bernadette ».  Une amitié sincère venait de naitre.  Et tu ne sais pas la meilleure, Aurélie, tous les deux rêvaient d’un endroit qui serait peut-être un endroit pour vivre, l’Ile Maurice ! Avec ces immenses rochers sortant de l’Océan, ces jardins généreux, des rencontres aux accents différents, car dans ton île il y a un mélange de toutes les nationalités. »
Martine

« Que signifient les racines quand aucun sol ne nous tolère ? »  C’est ce que je me tue à répéter à Igor pour le forcer à quitter cette zone qui se réchauffe de plus en plus.  Mais il ne me comprend pas, il faut dire que ma maitrise du serbo-croate n’est pas très développée.  Je suis très inquiet.  Maintenant ce ne sont plus seulement les carottes qui deviennent fluorescentes, les yeux d’Igor attrapent une étrange lueur.  Finalement, nous prenons la route pour essayer de planter nos racines ailleurs.  Nous avons atterri sur le sol américain, mon espoir de fonder un foyer avec Igor étant très grand.  Mais nous fûmes très mal accueillis, le teint méditerranéo-fluorescent d’Igor faisant peur aux Américains.  Ils nous ont mis dans un convoi de chariots chargé d’aller coloniser les zones arides des États Unis.  Et c’est là, dans ce convoi, que le désastre m’est tombé dessus.  La nièce de la reine d’Angleterre, une certaine Bridget, faisait partie du convoi.  Elle fuyait le courroux de la Reine mère, mais néanmoins sa tante, qui voyait d’un très mauvais œil les envies de mariage de sa nièce avec un rappeur mangeur de grenouilles.  Et là, à l’entrée du Grand Canyon, cette Bridget transféra ses envies amphibiennes sur Igor, MON Igor !  Fini les solos de violon rien que pour moi.  Ma route allait donc se poursuivre.  J’étais encore loin de pouvoir dire « ce serait peut-être là un endroit pour vivre ».
Françoise M

Clément s’est arrêté de chanter, mais que fait-il ? Il est sur whatshapp. Son pote Vincente, le globe-trotteur, lui donne des nouvelles de ce jeune qui lui a ouvert les yeux et le cœur, celui rencontré dans ces camions de déchets. Il est avec lui dans le Lubéron, « c’est incroyable comme la vie est simple avec ce gars !!!, si tu savais ce que nous sommes en train de faire. Nous glissons allègrement sur les ocres du Colorado provençal avant d’aller se jeter dans le petit lac, et voilà, chaque jour passe avec légèreté !!! »
« Clément, Clément, hello! Ma tante la reine est très curieuse d’entendre ta version de God Save The Queen! Viens le lui interpréter. Mes oncles te soutiendront en battant la mesure sur leurs hauts de forme et puis nous irons boire une tasse de thé et tu me raconteras quel est le philosophe globe-trotteur qui t’a inspiré ces nouvelles paroles ! »
Que Dieu sauve la Reine !
Qu'il l'emmène sur les sentiers du monde
pour ouvrir son cœur et ses yeux, ses yeux, ses yeux
que les hommes sauvent la terre, la terre,
sortir le monde de la misère, misère
pour ne plus jamais s’en faire, s’en faire…,
De tous les reportages que j’avais eu l’occasion de faire aucun
n’avait témoigné aussi bien de la jeunesse d’esprit de la reine !
Odile
 










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